Une exposition à ne rater sous aucun prétexte à la Fondation Clément, au François.

Trois expressions pour dire non à la misère, à l’injustice et à l’exploitation de l’homme par l’homme.

Césaire, Lam et Picasso : une synergie de créations .

Couverture du Cahier d’un retour au pays natal, 1947, Bordas
En frontispice, la reproduction du tableau
que Lam offrit à son ami Césaire.

 

 
Dans le cadre de la célébration du centenaire Aimé Césaire,  l’Habitation Clément accueillait le samedi  7 décembre, le vernissage de l’exposition « Aimé Césaire, Lam et Picasso : nous nous sommes trouvés ». Il y avait pléthore d’invités dans les espaces de la fondation, Serge Letchimy, président de la Région, Maurice Antiste,  Sénateur-Maire du François, Victorin Lurel, Ministre des Outre-mer et Laurent Prévost, préfet de Région.  Lors de son discours, Bernard Hayot président de la fondation, a salué la présence de Jacques Césaire, fils d’Aimé Césaire et  d’un des fils de Wilfredo Lam.  
 
Des rencontres qui ont changé la face de l’histoire
Daniel Maximim, écrivain et commissaire général de l’organisation, a rappelé les faits qui ont favorisé   la  rencontre des trois hommes fondamentaux. En  1941,  alors que le nazisme rayonne en Europe, certains tentent de regagner l’Amérique par la mer. Fruit du hasard, le navire débarque en Martinique avec d’éminentes figures de l’époque, dont  l’écrivain André Breton,  l’anthropologue Claude Lévis-Strauss et Wilfredo Lam….   Ce point de départ s’ensuivit d’une longue suite d’amitiés, de réflexions et d’aboutissements culturels et politiques…   « Nous sommes de ceux qui disent  non à l’ombre, le monde a besoin de nous aussi et nous ferons au monde une nouvelle lumière » c’est cette phrase que l’on peut lire à l’entrée de cette l’exposition.  Et l’on comprendra,  qu’à travers toutes les blessures et  douleurs partagées avec Picasso et  Lam,  émergera  la  nécessité de l’espérance et du combat.  Lorsque Picasso  rencontre Césaire, l’’engagement poétique déterminé de l’écrivain  est source d’inspiration d’où les illustrations de Picasso.    Les poèmes d’Aimé Césaire composés pour Lam et les  dessins de Picasso pour illustrer le recueil « corps perdu », ont dévoilé  le sens profond de ces rencontres. Ces grands hommes ont, à travers   la création, l’art, la poésie, le conte,  la musique et  la danse prouvé au monde notre humanité.   D’ailleurs, selon Daniel Maximin,  « Le hasard ne favorise que les êtres préparés ».

 
 Entre Césaire et Picasso
« Aimé Césaire (1913-2008) et Pablo Picasso (1881-1973) se rencontrent une première fois
en 1948 à l’occasion du Congrès de la Paix à Wroclaw (Pologne). En 1950 paraît
 le recueil Corps perdu, constitué de dix poèmes de Césaire illustré
de trente-deux gravures de Picasso ».

Picasso et Césaire photographiés à Wroclaw en 1948, © Archives SDO Wifredo Lam

                                                           
Entre Picasso et Lam
« Lorsque Wifredo Lam quitte l’Espagne en 1938, il est accueilli à Paris par Pablo Picasso
qui lui présente Mirò, Breton, Eluard, Zervos, Kahnweiler, Pierre Loeb… C’est une
fructueuse rencontre entre les deux hommes, que relie en outre une langue
commune, qui fera aussi dire à Picasso « Lam, je crois que tu as de mon sang en toi,
tu dois être un de mes parents, un primo, un cousin ».

1954, Picasso et Lam a Vallauris,© Archives SDO Wifredo Lam.
 

Entre Césaire/Lam
 
« Le 25 mars 1941, Wifredo Lam (1902-1982) réfugié à Marseille, quitte la France pour l’Amérique grâce à L’Emergency Rescue Committee, en compagnie de nombreux intellectuels et artistes fuyant le nazisme, parmi lesquels André Breton, Claude Lévi-Strauss, Anna Seghers et Victor Serge. Lorsque le navire fait escale à la Martinique, les autorités françaises fidèles au régime de Vichy arrêtent les passagers qui resteront un mois dans l’île. D’abord consignés à résidence aux Trois-Ilets, ils peuvent ensuite rejoindre Fort-de-France où André Breton découvre la revue Tropiques et rencontre ses fondateurs Suzanne et Aimé Césaire. La lecture du Cahier d’un retour au pays natal, publié en 1939, est pour Breton un choc ; il le qualifie de « plus grand monument lyrique de ce temps » et partage son enthousiasme avec Lam qui nouera une amitié créatrice et indéfectible avec Césaire. Lam regagne Cuba, son île natale quittée en 1923. Inspiré par la rencontre avec Césaire et la découverte de la forêt martiniquaise d’Absalon, il peint en 1943 La Jungle, oeuvre majeure conservée au MOMA à New York. Vers 1981 alors que Lam, très affaibli, ne peut plus peindre, il demande à Césaire de reprendre le projet Annonciation, une dizaine d’eaux-fortes de grand format, pour chacune desquelles il lui propose de composer un poème. En 1982 les eaux-fortes sont éditées en Italie. La même année, les poèmes de Césaire inspirés par ces gravures sont publiés par les éditions du Seuil à la fin du recueil Moi, Laminaire ».

Wifredo Lam et Aimé Césaire au Congrès culturel de La Havane, en 1968

Photo archives SDO Wifredo Lam.

Wifredo Lam – Madame Lumumba1938,
Gouache sur papier, 64,5 x 49,5 cm
Conseil général de la Martinique,
don de Françoise Thésée ADAGP, Paris 2013

Picasso Pablo – Tête à la coiffe
17 avril 1947, Huile sur Toile, 73 x 60 cm
(sans cadre)
Succession Picasso 2013

Une  sorte de cathédrale humaine
 
Depuis le 8 décembre , à l’habitation Clément,  familles, scolaires, amis, intellectuels… honorent ce rendez-vous avec  ces  hommes porteurs de vitalité dont la rencontre a  changé la face de l’histoire. Les fruits de la cohésion artistiques mêlant exigences et beautés, sont irrésistibles !  Entre émotions et évasions le visiteur découvre des  pièces rares et précieuses de Picasso, des peintures et un grand nombre de dessins de Lam, le recueil Corps perdu constitué de dix poèmes écrits par Césaire et illustrés de gravures de Picasso, l’oeuvre  « Annonciation » composée des gravures de Lam et des poèmes de Césaire, le manuscrit du « Cahier d’un retour au pays natal », ainsi qu’une section évoquant l’intérêt commun de Césaire, Lam, et Picasso pour les masques africains. Une belle  synergie  des symboles de l’écriture,  la création et la poétique dans un univers artistique et symbolique  idéalement choisi, telle une belle architecture intellectuelle, une sorte de cathédrale humaine dédiée à la politique. Outre sa pensée universelle, Césaire avait ce souci de la rencontre, du rassemblement, de l’union,  réclamant des exigences toujours élevées, qui visent à plus de dignité  humaine.  Serge Letchimy a rappelé  l’obligation commune et collective de  propulser  la  culture vers le haut. Fruit du hasard, l’on retiendra  que ce 7 décembre,   date du vernissage  coïncide avec  le jour d’enterrement d’un proche d’aimé Césaire : le docteur Pierre Aliker.  Celui-là même qui avait été subjugué par les capacités de création extraordinaire de ces trois monuments.
 
A l’ombre du Courbaril, cette exposition inédite se déroule jusqu’au 16 février 2014 à la fondation Clément.

                                                                                                                                                                      Fr.N